Une parenthèse au milieu des cahiers d’école, une réminiscence d’un souvenir d’enfance, c’est ce que l’œuvre d’Aïcha Snoussi inspire quand on la rencontre. Son univers s’approche doucement et s’appréhende presque librement, avant que le spectateur ne réalise pleinement l’enjeu de ces dessins à l’encre sur papier. Artiste née en 1989 à Tunis, elle se spécialise dans la gravure et fait de ces cahiers d’école un terrain d’expression pour les sujets sérieux qu’elle a choisi d’aborder.
Un contraste donc, entre la légèreté du support et sa simplicité, et le travail d’orfèvre de ses représentations de peaux étrangement décharnées, de ces chairs dépecées et de ces membres livrés à eux-mêmes. L’apesanteur de la structure s’alourdit du poids de cette matière informe et éclatée, presque indéfinissable, quasiment plus humaine. Alors le doute s’installe, et si on observe longuement ces amas de traits d’encre on en vient à douter de l’humanité de ces morceaux de chairs, plongeant dans la réalité d’une structure vivante mais qui souffre.
Dans ce tourment physique, c’est avec un certain onirisme qu’Aïcha Snoussi nous offre ses créatures, qui oscillent entre terreur, répulsion, affection, questionnements et une douceur du trait qui n’est non pas une lacération mais un pansement qui tente de guérir ces plaies ouvertes.
La main d’Aïcha Snoussi c’est une catharsis, un espoir de renaissance et un regard nouveau porté sur le corps, la vie et l’âme. Elle semble porter en elle une marque indélébile, quelque chose d’intemporel qui rend son art beau, son processus presque douloureux et nous donne d’apprécier une œuvre sans concession.